Quatrième invité de Dominique A, Colin Chloé se prêt au jeu du questionnaire type de notre rubrique Allons Voir Ailleurs. Après un premier album remarqué en 2009, Où l'eau te mène, le troisième opus du chanteur breton vient de sortir, en version numérique tout d'abord, et désormais en version physique.
Photo © Stéphane Sevrette
Peux-tu nous donner quelques repères du parcours du groupe ?
Après plusieurs groupes rock à Lorient et à Brest, Colin Chloé débute à l’occasion de CQFD 2004 des Inrocks à qui j’avais envoyé une maquette, retenue sur la compilation. J’ai choisi ces deux prénoms en hommage au grand Boris.
Mon premier album Appeaux sort en 2009, puis Au ciel en 2014 et enfin Où l’eau te mène, sorti en numérique en 2021.
Avez-vous une actualité, et si oui, laquelle ?
Où l’eau te mène vient de sortir en vinyle et en CD, et est distribué sur colinchloe.bandcamp.com
Des concerts sont prévus.
Que cherchez-vous à faire musicalement ?
De la poésie rock.
Quelle place accordez-vous au chant et à la langue dans ce que vous proposez ?
Les mots sont le commencement, la racine de chacune de mes chansons. Le français est la langue de mon imaginaire et celle des poètes qui l’ont nourri, qui m’ont donné envie d’écrire.
J’essaie de chanter sobre, instinctif et sans effet. Je mixe la voix en avant, à la française.
L’écriture, textuelle et musicale, est-elle ou non douloureuse pour vous ? Etes vous plutôt instinctifs ou laborieux ?
J’écris quelques mots chaque jour, je laisse les chansons venir, se développer quand elles le doivent. Il faut être prêt, aux aguets, quand les idées sortent du terrier. Ça demande du temps, de la disponibilité, ça prend parfois des années.
Ce sont juste des impressions fugaces, des épiphanies. Les chansons s’imposent ou non avec le temps. Il faut savoir lâcher prise et avoir confiance en la musique, bien plus forte que soi. Accueillir ces instants fragiles, garder l’ouverture, la fraîcheur d’esprit instinctive, rester exigeant, tout en se laissant faire, curieux exercice d’équilibriste. J’aime beaucoup les haïkus pour ça, cette simplicité complexe.
En musique, j’aime les climats assez rugueux et certaines dissonances, les tensions et pas forcément leurs résolutions. Laisser l’auditeur sur sa faim.
De quelle façon le contexte de ces deux dernières années a-t-il eu une incidence sur votre façon d’envisager le travail musical, sur le plan artistique et/ou financier ?
Depuis quelques années, je joue souvent en solo guitare/voix chez les gens, dans leur salon, expérience intimiste, avec cette proximité chaleureuse. Le Covid a rebattu les cartes… J’ai peu joué en concert depuis 2 ans. Ça reprend heureusement !
Envisagez-vous votre activité sous un angle social et/ou politique ou uniquement artistique ?
Forcément politique. Etre artiste, c’est prendre conscience de soi-même et du monde autour.
Qu’attendez-vous du « monde de la musique » pour diffuser la votre? Idéalement, vous aimeriez fonctionner dans quel cadre (contrat avec un label, en indépendant, en licence…) ?
J’aimerais travailler avec un label qui ait un véritable esprit artistique, comme Lithium en son temps.
Ici d’Ailleurs, Vicious Circle, Objet Disque ou Talitres aujourd’hui par exemple. Une famille artistique en quelque sorte, car même si je suis un farouche indépendant, c’est difficile aujourd’hui de travailler seul.
Penses-tu que la scène soit une finalité ?
Oui, car c’est le lieu de partage où on ne peut pas tricher.
Sur scène, on sait vraiment si une chanson est bonne…ou pas. C’est là qu’on sent la force des mots, des émotions, des couleurs, des harmonies, mais aussi des fragilités qu’il faut accepter. C’est là que nos antennes sont sorties comme par magie. On peut travailler dix ans à la maison ou en studio sur une chanson, en l’habillant de sa plus belle robe, en pensant à chaque détail, mais c’est une fois sur scène qu’on sait.
Et j’ai souvent eu des surprises.
On vous propose 100000 euros pour produire ou diffuser votre art ? Qu’en faites-vous ?
Je rémunèrerais les musiciens qui m’aident depuis des années. Je monterais une tournée avec eux dans des lieux atypiques et intéressants pour la musique et le public.
Dans quelle mesure penses-tu que la musique gagne à être commentée, faire l’objet d’articles, de livres … ?
C’est parfois difficile aujourd’hui de s’y retrouver, il y a beaucoup de webzines, de webradios, de podcasts…avec le numérique tout a vite changé. L’époque où on dévorait les articles des « passeurs » dans les revues mensuelles semble un peu révolue je crois. Je ne suis plus ça de très près. Aujourd’hui j’aime écouter Pierre Lemarchand et ses émissions Eldorados en podcast, ou encore La webradio Le Village Pop. Il y a la belle revue papier Hexagone qui défend la scène française, la reprise de Magic! aussi. Y’a plein de bonnes choses en fait , faut être curieux, musarder sur le net, ça demande plus de temps pour découvrir les nouveaux artistes car il y a un énorme brassage. Beaucoup de beaux projets musicaux restent confidentiels.
Veux-tu ajouter quelque chose ?
Merci à toi Dominique de prendre le temps d’écouter les albums des indépendants et de leur donner un coup de main.
A bientôt sur la route, j’espère.
Voici un live récent chez l’habitant :