Puisqu'on en fabrique encore

Puisqu'on en fabrique encore



Puisqu'on en fabrique encore…

Histoire de ne pas déroger au sacro-saint coup de rétro, après des mois d’abstinence blogesque, je sors de ma tanière pour y aller moi aussi de ma petite liste discographique pour l’année passée, puisqu’on fabrique encore des cd laser, un peu dans le désordre, mais pas tant que ça.

Timber timbreS’il n’en restait qu’un pour moi, ce serait celui-ci : Timber Timbre : « Demon Host », manière de ploucabilly hanté, d’Antony ou d’Alan Vega  des cambrousses gospelisant sur des trames malingres, et pourtant définitives. Le « less is more », toujours et encore, comme ligne de conduite idéale, sur de petits chemins inquiétants, comme un mince sentier au cœur du bayou, un pas de travers et hop, claquent les mâchoires de l’alligator. Sur scène, c’est un peu pénible de non présence (littéralement, puisque chanté dessous une capuche), mais ça ne gâche même pas le plaisir d’écouter cette grande nouvelle voix.

John Grant : John Grant« Queen of Denmark ». L’ex chanteur des Czars, trois albums passés à la trappe au compteur, accompagné par Midlake, pour quelques moments de grâce mélodiques et vocaux, à commencer par les trois premiers morceaux, qui se posent là. Ça peine un peu dans les côtes après du coup, inévitablement, mais cette ouverture de rêve suffit. Mots d’auteur ultime sur le premier titre : « Je rêvais de changer le monde / Et je n’étais pas foutu de changer de slip tous les matins ».  Je saurais m’en souvenir quand l’envie me prendra d’écrire un texte engagé.

Villagers :Villagers « Becoming a jackal ». Là encore, l’ouverture y est pour beaucoup : « I saw the dead », une des meilleures chansons que j’ai ouïes cette année, et qui m’a fait penser à l’effet produit par le « Mercy seat » de Nick Cave, ne me demandez pas pourquoi, vous êtes gentils.  Jolie voix de tête, un bel ensemble folk émaillé d’arrangements tantôt cossus, tantôt discrets, des paroles assez futées pour attirer l’attention même quand à priori on s’y intéresse de loin quand c’est en anglais…  Candidat sérieux pour le peloton de tête des disques qui durent sans avoir l’air d’y toucher.

Laura VeirsUn peu à l’image du « Carbon Glacier » de Laura Veirs, sept ans déjà et toujours un solide compagnon de route auriculaire. Sans l’égaler, son « July Flame » du début d’année le talonnera désormais,  elle y retrouve l’inspiration d’antan. Et son « Can i make you mine ? », sur l’éponyme chanson,  est la plus gracieuse requête amoureuse entendue depuis des lustres.

 

 

Sufjan Stevens

Sufjan Stevens : « The age of Adz ». Un poil boursouflé et usant sur la longueur, mais régulièrement impressionnant, à l’instar du morceau titre. Ça suinte le malaise, on y réfléchit à deux fois avant de se l’enquiller… En ces temps d’hédonisme forcené, ça vaut de l’or.

 

 

Bertrand Belin : « HyBertrand Belinpernuit ». J’y suis allé à reculons, un peu sceptique devant la sécheresse apparente de la chose à la première écoute, tant le côté chatoyant de sa précédente « Perdue » m’avait conquis. « Quel con », m’exclamai-je à la seconde écoute, non en direction du beau Bertrand évidemment, mais  de moi-même, qui n’avais pas su reconnaître dans l’instant la beauté rustique de l’opus. Grand beau disque du coin, qui donne encore un peu envie d’y croire, au coin.

louCelui de Lou, « Et après, on verra », aussi. C’est un album court et neurasthénique, d’une seule humeur, chanté d’une voix douce et lasse. Pareil, à la première écoute, resté sous le charme de son précédent effort, c’est le mot, cinq ans déjà, j’attendais autre chose, monts et merveilles. J’avais oublié que plaines et merveilles, ça marchait aussi. En écoutant le disque avant finalisation, je lui avais dit, du haut de ma science infuse, que ça manquait selon moi d’un peu de sel, qu’on frisait l’emmerdement. Elle m’a laconiquement répondu qu’elle n’avait rien contre. J’ai cru à une défense, mais non, c’était plus subtil que ça : ça voulait dire qu’elle acceptait d’en prendre le risque mais qu’elle ne dévierait pas d’un pouce. Elle a bien eu raison.

Jérôme MinièreToujours en francophone, mais venu d’outre-atlantique, from Montreal, Jérôme Minière a eu l’obligeance de me faire parvenir son excellent « Le vrai le faux », assez électro et doté d’une production plus mafflue que de coutume, et qui lui va très bien. Son songwriting est toujours aussi pertinent et affuté, pas de signe de fatigue à l’horizon, et il est vraiment regrettable qu’il ne soit pas diffusé par ici, il n’est pas si éloigné d’un Stromae par exemple, et pourrait tout à fait faire un hit par surprise si seulement… La chanson titre pourrait aisément faire le bonheur de certaines radios. Bon, en attendant, ça peut se commander via le net, faute de mieux.

Arnaud Fleurent DidierOn en a beaucoup parlé en des termes dithyrambiques çà et là, et c’est mérité. « La reproduction » d’Arnaud Fleurent-Didier fait finalement partie des disques qui me restent cette année. Je dis « finalement » parce que mes réserves (des arrangements parfois très grande variète ’70, pas mon rayon) sont tombées au fil des écoutes, avec des morceaux comme « Ne sois pas trop exigeant », personnels et touchants.  Je l’ai réécouté hier, et la force de certaines compos et de l’interprétation m’a sauté aux oreilles. Je l’ai déjà dit à maintes reprises, parfois, je suis lent.

School of Seven BellsDe la musique de jeunes pour les vieux, maintenant : les shoegazers de School of Seven Bells, et leur « Disconnect from desire » : de l’indie électro lisse qui vise le mainstream, du Lush au bifidus, dont l’exubérance mélodique m’aveugle. C’est astiqué jusqu’au dernier bouton de guêtre, d’un manque de naturel édifiant, mais voilà, ça m’attrape-couillonne direct, sans passer par la case suspicion.

Blonde redheadDans le genre, en plus finaud, j’ai aussi beaucoup aimé le décrié « Penny Sparkle » de Blonde Redhead, son beau son vaporeux, l’ouate sonore dans laquelle il plonge. Il faut juste passer les quatre premiers morceaux, curieusement les plus faibles, et se laisser porter par les autres.  Sur scène, c’était bien aussi, quels superbes musiciens, le batteur, mon dieu, le batteur, et cette tranquille obstination à ne pas concéder un pouce de terrain aux moult crétins de l’assistance  réclamant les vieux trucs noise…

Wildbirds and peacedrumsAu rayon des bizarreries, l’album de Wildbirds and Peacedrums,  à base de voix lead, chœurs, batterie et vibraphone, une formule osée et qui tient la route sur la longueur, une démarche qui n’est pas sans évoquer les Creatures de Siouxie et son batteur Budgie. Par instants, la voix rappelle également celle de Shara Worden (My Brightest Diamond),  ce qui me fait instantanément poser genou à terre. Beau et flottant et inspiré.

 

 

 

Cours LapinDe façon plus anecdotique, un curieux objet, celui de Cours, Lapin, un groupe suédois qui a la bizarre lubie de chanter en français, de cuisine (il est question à un moment du son des escargots…). Sur la durée, les nerfs sont mis un peu à rude épreuve, confère une voix féminine un rien trop riche en glucose, mais à doses homéopathiques, les ritournelles du Lapin sont bien tournées.

 

springsteen« The promise » du Boss, inédits de parfois haute facture qui m’ont fait me replonger dans « Darkness on the edge of town », et redécouvrir les inamovibles « Badlands », « Adam raised a Cain » et surtout, ô splendeur, « Candy’s room », une des 100 plus belles chansons de tout l’étang. Marrant, faites le test de soumettre certains titres à une oreille novice en springsteenie, et elle vous répondra Arcade Fire à l’écoute de certains titres. Très bien, d’ailleurs le Arcade Fire (désolé, Yvan…), surtout « The Suburbs », grande chanson.

motorsEnfin, une compilation qui vaut son pesant de cacahouètes, celle du label Motors, qui connût son heure de gloire dans les années 70, avec le Christophe des Mots Bleus et du Beau Bizarre, le Jarre d’Oxygène, quelques Lavilliers… Cette triple compil vaut surtout pour l’exhumation de perles oubliées telles celles de Louis Deprestige ou Léonie. Musicalement, il y a souvent un petit côté glam à la française, incarné par Alain Kan notamment, ça a beaucoup de charme, celui du truc un peu à la ramasse, avec des sons « modernes » d’époque, donc hype aujourd’hui, de façon prévisible, propres à affoler les overbranchés de Teknikart (entre eux et moi, une belle et longue histoire d’amour).

somewhereEn parlant de branchouille, hors sujet, mais comme j’en sors, je ne résiste pas au plaisir de déverser mon fiel sur le « Somewhere » de Sofia Coppola. On m’y a traîné. J’avais déjà relativement détesté « Lost in translation », que j’avais trouvé creux au possible, par instants très condescendant vis-à-vis des japonais, un cinéma de petite fille gâtée, insupportable. « Somewhere », inexplicablement couronné à Venise, consommation de psychotropes du jury exceptée, va plus loin : rien, mais alors vraiment rien à dire, un grand catalogue du vide consistant à enquiller quelques vagues séquences dans des décors jet set, et à déballer sa playlist indé. Le pompon, entre deux séquences « caustiques » sur la bêtise des médias et la stupidité des journalistes (wow, trop bien vu), ce sont les séquences émotion : autant demander à un numéro de Vanity Fair de nous faire chialer (ou alors oui, mais de dépit).  Jusqu’à quand cette supercherie ?

Coffret CiveyracTiens, pour me purifier, je vais ce soir visionner un des films de Jean-Paul Civeyrac, tiré de son coffret dvd rétrospectif. Civeyrac est un cinéaste français encore confidentiel, malgré  9 longs métrages à son actif, dont le dernier, « Deux filles en noir », sorti cette année, portrait croisé d’adolescentes suicidaires (non, rien à voir avec « The Virgin Suicides », on ne m’a pas comme ça, les amis), m’a assez emballé. Son cinéma est très particulier, d’une grande fluidité dans la mise en scène, et assez obsessionnel dans ses thèmes ; les personnages y conversent souvent avec des proches disparus, les morts n’y lâchent pas les vivants. On peut parfois être agacé par une certaine affectation dans le jeu ou les dialogues (affectation à laquelle échappe « Deux filles en noir »), mais ça n’hypothèque pas le charme de ce cinéma finalement assez âpre sous la douceur apparente de ses plans.

Je m’en tiendrai là pour aujourd’hui. Bonne année à toutes et à tous.

Dominique.

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