Après cinq jours de pause : Nîmes, pour la première fois en 11 ans d'arpentage de l'Hexagone. Incroyable le nombre de villes où je n'ai pas mis les pieds après tous ces concerts. Jamais joué à Metz. Jamais à Sarreguemines. Jamais au Creusot. Tout est à faire. Peut être quand je ferai les centres Leclerc. Donc Nîmes. La salle est pas mal, l'accueil itou (pas beaucoup de nîmois dans l'équipe, le programmateur, tout droit sorti de Ricky banlieue, vient de Belleville, telle autre du Mans…), hier il y avait Christophe et demain Brigitte Fontaine. L'heure venue, il y avait du monde, 400-500 personnes, des gens enthousiastes, avec quelques originaux, dont un type sur le bord de la scène, qui ponctue d'étranges borborygmes la fin de certains morceaux. J'ai du mal à me mettre en route, mais au bout d'une demi-heure, ça y est, j'y suis enfin, je retrouve enfin cet état que je recherche et affectionne, d'"abandon", le moment où je ne pense plus à ce que je dois faire (appuyer sur la pédale X au moment Y), mais à ce que je fais, selon l'impulsion du moment, où j'ai l'impression d'un laisser-aller qui permet tout, toutes les lubies de l'instant, un petit truc extatique. Ca va crescendo. Après le concert, je bois, et retourne embrumé dans un espèce de Palace. Je reviendrai avec plaisir par ici. Demain pas de concert à Perpignan, annulé, pas assez de réservations (dépit).
Vendôme - Festival de Rockomotives.Hier, pèlerinage à Provins, Seine-et-Marne, ma ville médiévale natale. Va savoir pourquoi, tous les quatre ans, ça me prend, l'envie de revenir dans l'endroit honni où j'ai passé 15 ans de ma vie. L'envie de confronter le souvenir à la réalité, qui ne bouge pas, dans une belle lumière hivernale, et au bout de quelques heures, l'envie de partir, vite, des fois qu'on s'enliserait, qu'une catastrophe naturelle me retiendrait ici. C'est très beau, cela dit, pour qui n'y passe pas 15 ans , la ville des Roses.
Vendôme. Dans une chapelle où j'avais joué pour Françoiz Breut lors de la tournée Lithium en 97. Là encore, bel endroit, mais hauteur de voûte oblige, cauchemar de sonorisateur (le son se ballade). Personnellement ça m'arrange, ce genre d'endroit avec un gros écho naturel flatteur, ça m'aide, je crois, à mieux chanter, ça me porte. Naïm Amor, de feu Amor Belhom Duo, ouvre la soirée (pas vu, pas entendu) puis Don Nino (beau concert, bonnes chansons, très fin guitariste dans la ligné harmonique Jim O'Rourke- Arto Lindsay et même Ali Farka Touré sur un titre; ça redonne envie d'écouter son disque sorti il y a un an et dont le titre m'échappe).
Naïm Amor - ce nom terrible - a lui aussi d'ailleurs sorti aux Etats-Unis un très beau disque "Soundtracks", fausses BO, vraie inspiration, distribué ici au compte gouttes en import.
Parenthèse : Jérôme Minière n'a pas trouvé de distributeur français pour son "Petiot Cosmonaute", troisième album de l'orléanais de Montréal ; Mobiil, de mon comparse de scène Olivier Mellano, peine à trouver un label pour finir un deuxième disque bien avancé, et combien d'autres, comme Quaisoar ou Deziel à Marseille interdits de diffusion si j'ose dire.
Il y a un vrai déficit de labels pour ce type de musique en France actuellement, c'est flagrant, ça manque de nouvelles structures type Microbe (Fabio Viscogliosi, Morning Star …) cinq ans auparavant, les disques de ces gens là auraient au moins existé. Mais le peu d'écho public de ce type de musique, avec des ventes comprises entre 10 et 1500, fait qu'il est aujourd'hui difficile d'envisager pour un label, gros ou petit, de mettre des billes dans ce genre d'histoires. le soi-disant réveil de la musique en France, toutes ces tartufferies sur la "nouvelle chanson française " ça n'a pas eu l'air d'effleurer les oreilles du plus grand nombre , finalement (plus proche du vrombissement, du moustique que du bruit d'un réacteur de Boeing 747).
Bon, beaucoup à dire sur le sujet, mais revenons à notre chapelle vendomoise où tout se passe pour le mieux. Comme à Nîmes, bonne énergie, je jongle avec le répertoire assez librement, enfin le pli est pris après les doutes de début de tournée. Trois petites heures de sommeil, God save Guronsan, et hop, le lendemain, interviews en chaîne à propos du coffret, des journalistes avenants (si), on me demande notamment "si ce n'est pas trop tôt". Ah oui, je suis encore en vie, alors effectivement, c'est peut être un peu prématuré… Je croise Stéphane Grégoire du label Ici d'ailleurs, découvreur de Yann Tiersen, hop, un verre, il me parle de ses projets (réédition des disques de Bästard, sous estimés oh combien, le prochain album de l'excellent et mystérieux Bed pour la fin de l'année etc…), des difficultés à faire connaître Dominique Petitgand hors du cercle art contemporain, sans parler des disquaires qui classent ses disques au rayon new-age, et des choses de la vie.
Quelques jours de pause, avant le départ outre-Rhin en première partie et avec Yann Tiersen, justement, pour trois concerts.
J'en profite pour lire deux livres du récent prix Nobel, le hongrois Imre Kertész, dont l'un très troublant, "Etre sans destin", sur les camps nazis, et sur l'après, une approche inattendue exempte d'ambiguïté; et le Charité de Fréderic Yves Jeannet, paru il y a deux ans, un livre-somme époustouflant, une tentative de réconciliation par l'écriture de l'auteur avec sa mère et son passé, une oeuvre à la structure apparemment éclatée mais d'une grande fluidité, malgré son aspect kaleidoscopique. J'avais rencontré son auteur aux récentes Nuits de la Correspondance à Manosque où j'étais invité, et il m'avait beaucoup marqué par la douceur de sa personnalité, la simplicité de ses réponses à une interview radio, de cette simplicité dont on se dit qu'elle découle de beaucoup de recherche et la chaleur qu'il dégageait. Un ange passait, quand il parlait, au milieu d'écrivains plus mornes ou plus conventionnellement excentriques.
J'écoute aussi beaucoup de disques, et Gibert me dit merci. Après des approches timides auprès du rayon musiques contemporaines - bien au fond du magasin -ça y est j'ai franchi le pas, suivant la méthode du hasard qui fait les choses que j'applique à tort et à raison depuis vingt ans, sur la fois d'une pochette, d'une indication tentante; beaucoup de disques achetés, aiguillé par les réminiscences du dernier Bashung, dont un magnifique du géorgien Giga Kancheli, "Lament" (label ECM), dont je parlerai mal si j'en parlais plus, car c'est une musique qui m'intimide, j'y vais à pas feutrés, mais l'espace qu'il y a dans cette musique, où chaque son semble être un évènement d'une grande densité, ouvre vraiment des perspectives. Sur un terrain plus familier, beaucoup de deniers versés pour la cause de la pop-musique, qui n'en mérite souvent pas tant, mais comment se résoudre à ne plus l'aimer ?
En écoutant le dernier Sigur Ross, par exemple, grand moment mystico-lyrico de bazar, limite Enigma. Bon j'en rajoute, ça n'est pas désagréable, mais ça sent quand même la recette, pas si loin de celle éprouvée par God Speed you machin, avec intro à rallonge sur le mode "inspiré" (avec un gros clignotant rouge : "attention :émotion"); c'est grosso modo de la bonne grosse new-wave Cocteua-twinisée, le talent mélodique en moins, qui sonne très bien, on ne peut pas leur enlever ça. Mais quand je vois la surenchère journalistique, ça n'invite pas à l'indulgence (surtout que, quand même le précédent était bien plus classe). J'arrête, j'arrête, mon amoureuse va me frapper.
Le nouveau Suicide : il appelle deux commentaires
1) Martin Rev a de vilains programmes sur ses nouveaux synthétiseurs
2) la voix d'Alan Vega (un des meilleurs du rock) est intacte. Tant qu'à faire, je vous conseille d'aller le retrouver sur le beaucoup plus inspiré, un peu moins roue-libre, V.V.V., concocté avec les finlandais de Pan Sonic en 99 sur Mute ou Blast First je ne sais plus, pour une séance mémorable de chaud (la voix) et froid (la musique).
Au rayon "bravo les gars", le maxi électro-folk de Sébastien Schuller, à la hauteur de la rumeur, avec une belle chanson "Weeping Willow", la mélodie montagnesque, et trois instrumentaux très convaincants, le dernier notamment dans la catégorie "bonne nuit les petits".
Un nouveau (?) groupe, The White Birch, avec un album "Star is just a sun", scandinave, d'après les crédits, avec de très belles mélodies, le piano noyé dans la réverbe, une voix assez proche d'un des norvégiens de King Of Convenienence, et une new waverie imparable sur deux accords, "Beauty King" (Glitterhouse records). Pas incontournable mais bien agréable et cotonneux, entre Julle Cruise et Bark Psychosis, par exemple.
Après vérifications, il s'agit en fait de Norvégiens. Quelques titres en libre téléchargement sur leur site.
Enfin pour les amateurs de musique africaine (formulation nulle), la réédition d'une série initiée à la fin des années '60 sur le label None Such, les Explorer Series, pour laquelle ont été collectés musiques et chants sur le continent noir, selon le principe utilisé entre autre par Alan Lomax pour ses Filed Recordings américains. Celui que j'ai acheté (au prix peu prohibitif de 12 € ), High Life and Other Popular Misic, n'a pas l'aspect ethnologique de certains autres dans la série, et propose une musique généralement assez joviale, joué par un combo ghanéen de 11 musiciens, empruntant tant aux rythmiques locales qu'à des styles populaires américains et européens (jazz, calypso…) c'est assez élégant et mystérieux (des fois même paradoxalement assez retenu vue la vitalité qui s'en dégage) pour ne pas être assimilé à une sorte de vieille kitcherie à destination des p'tits blancs (on n 'est pas chez Yma Summac).
Bon, stop, à la prochaine, le Tour bus des Tiersen m'attend.