Rapport d'inactivité #4

Rapport d'inactivité #4

Amérique, Amérique, celle du Nord, reviens à nous, fais nous te rabibocher avec toi, envoie nous tes disques par paquets, envoie nous l'enjoué Supper de Smog (cela peut vous paraitre bizarre mais il n'existe que très peu de sites sur Smog ; citons par exemple l'endormi Bathysphere faute de mieux, ou sinon le site de Domino Records), la glace sous la chaude voix de Bill Callahan, toujours pape du pince-sans-rire ("je t'embrasserais bien mais que dirais ma femme si j'étais marié" dans "Morality"); envoie, nous le Fear Yourself de ce bon vieux Daniel Johnston, chatoyant (le disque), presque aussi bon que le Rejected Unknown précédent, avec photo freaks à l'appui au verso (ou : comment persévérer dans efficacement l'auto dévalorisation) ; envoie nous le terreux Shout OK at the Chinese Restaurant de Ramsay Midwood, enfin correctement diffusé au pays des " capitulards " comme on dit par chez toi, disque épatant de country-folk pouilleuse, sans la bonne conscience de l'héritage Punk-newwave, péquenot mais point trop réac, chanté d'une belle voix de rocher usé, samples et autres machins numériques restés à la porte de la grange, leur noms n'ont même pas pénétré le Compté ; envoie nous le Troubles by the fire de Laura Veirs, sur le label Cocteautwinesque Bella Union, Laura qui évoque tour à tour Chan Marshall, Edith Frost et Joni Mitchell, et c'est une très bonne chose.

Amérique, Amérique celle au Nord, injecte tes gènes putrides partout, jusque dans le Counterfeit 2 de Martin L Gore, disque de reprises, qu'on m'a donné, que j'ai pris d'une main molle (oui, j'en suis là), erreur erreur parce que pour Nick Cave écorniflé, le reste vole assez haut, empreint d'une grande
a) ferveur,
b) finesse,
c) inventivité dans la relecture,
pardon pour la main molle, Martin, surtout à l'écoute du " Oh my love " de Lenon qui chez toi me charme, m'assoie etc… Etonnant comme ce type qui ne reprend ici que du vieux, du millésimé, du sans machines, du blues, parvient à garder la fraîcheur d'origine des morceaux, avec des accompagnements d'une précision maniaque, garantis zéro spontanéité, qui ne lui font perdre ni le fil ni l'esprit, c'est étonnant, oui.

Amérique, celle au Nord, enfin, parasite nos doigts et gorges arrogants de frenchies, comme tu le fis si bien pour les Little Rabbits, un temps pervertis par Albion, avant d'être accaparés par toi, par ta fétide électricité (n'importe quoi), les Little Rabbits que nous rebaptiserons ici The Big Hares (à vos Harrap's) au vu des bedaines triomphantes nonchalamment exposées en pochette et affiches pour leur compilation " Radio ", leur grand œuvre, foutraque, grouillante, et menée tambour battant. Oh, bien sûr, tu ne pourras pas être sur tous les fronts, de bonnes choses se refusent encore à toi, y compris parmi tes adorateurs d'antan. Les ex-Prohibition de NLF3 par exemple, te négligent un peu, mâtinant leurs belles crolles (bouches, en wallon) post-rock d'afro beat et influences ethniques sur leur deuxième production " Viva ". Impeccable, des bouts d'enfance partout.

 

Quelqu'un à dit " Rock critique frustré " ? Pas tort. Cela étant, c'est tellement au compte gouttes que ça s'écoule, ces disques là, que si ça peut aider, un par ci, un par là… Parce que, hein, soyons un peu misérabilistes, c'est pas Byzance, l'indie world, de nos jours, moins que jamais et si peu d'élus… 10 ans ont passé, et toujours en être là à seriner son monde avec Smog et Daniel Johnston, hein, vous vous direz ça, ne mentez pas. Oui, désolé, mais ils sont toujours bons, et toujours confidentiels, ceci n'étant pas la conséquence de cela, même si, on est d'accord, majoritairement, les gens ont des goûts de merde, ils écoutent ce qu'ils mangent, ça va de soi, quand on peut éviter de sentir se creuser l'écart entre ce qu'on a et ce qu'on aurait pu avoir, ne nous privons pas, on ne va pas s'emmerder avec de belles choses.

 

Non, non, la leçon n'est pas finie même si, je dois avouer, ce mois-ci, je rame un peu, pas grand chose à vous donner. Un petit souvenir récent tiens, peut être, ça mange pas de pain, c'était les vacances, sur une petite route d'Irlande, j'avais embarqué quelques vieilles cassettes rapidos, le premier Tindersticks (de l'eau a coulé…), un Murat (de l'eau vous dis-je, un fleuve en crue ; il est bon de savoir qu'il me conchie, il m'épate et m'amuse toujours) et un best of de Leonard Cohen; et là , la lumière, dans les impressionnantes vallées jadis vantées par Sardou, j'ai entendu " Suzanne ", comme il y a quelques années, j'avais entendu " Amsterdam ", entendu pour dire reconnu, comme lorsque l'amour déboule et se porte sous vos yeux ébahis sur une vieille connaissance. L'évidence aussi a ses absences, ça peut durer…
Après coup, c'est vrai que ça écrase pas mal de choses, malheur aux disques qui passent juste après, les plus méritants font bien ce qu'ils peuvent, l'impression persiste un moment qu'on a entendu de la musique auparavant, quand le reste n'est que mikado, assemblage de notes, sur des objets reproduits mécaniquement industriellement. Il y en a si peu de la musique, dans le monde de la musique pop. Moi qui vous parle, et puisque j'ai une réputation de modestie à entretenir, je n'ai pas l'impression d'en avoir fait tant que ça jusqu'à présent dans quelques chansons, oui, çà et là, j'ai la prétention de penser que ça y ressemble, que j'en ai fait des fois, c'est déjà ça, tout le monde ne peut pas en dire autant, mais pour X " morceaux efficaces " comme on dit toujours, combien de musique, comme quelque chose qui serait là depuis toujours, qu'on puisse isoler du contexte dans lequel ça a été fait et presque de la personne de la personne qui l'a fait, quelque chose qui promet sans rimer l'enfance, l'establissement ?
Pas bézef, pas bézef. Pas que pouic, mais pas bézef.

Galerie Petit Vampire Le mois dernier, je me suis avancé, j'allais vous parler de bandes dessinées. Mais ça n'est pas simple. Majoritairement, la BD, je pense, vous vous en contrecarrez, et si non, je vais vous causer de choses que vous connaissez. Un peu comme si concernant la musique et apparenté(s), je vous disais " j'ai découvert une chanteuse formidable, PJ Harvey ". Remarque, pas de mal, je viens de faire le coup avec Leonard. Donc remballons les scrupules et faisons le prof (ah j'adore ça, finalement, dire que j'ai tout fait pour y échapper, c'est encore mieux avec les têtes blondes pas en face de soi) à destination de ceux que ça intéresse mollement, ceux qui mâchonnent nonchalamment le chouine en matant par la fenêtre la petite pépé ou le beau gars qui passe dans la cours, après s'être pris un averto chez le sous-dirlo. Donc, les enfants, commençons simple avec un des principaux représentants de la génération Association (l'Association est une maison d'éditions fondée il y a 12 ans et qui a sévèrement dépoussiérée la BD mondiale, avec en son sein pas mal d'auteurs majeurs de la BD autobiographique, type Marjane Satrapi), le très prolifique Joann Sfar, un génie, qui vient, entre 43 autres sorties simultanées, de publier chez Delcourt jeunesse le cinquième album " Petit Vampire " intitulé et là, vos yeux vont quitter la fenêtre, " Petit vampire et la soupe de caca ". L'argument : dans la maison des morts où le petit Michel se rend toutes les nuits en pyjama orange pour retrouver et jouer avec son copain Petit Vampire, le monstre Marguerite, scatophage, a préparé son plat favori, la soupe de caca. Comme il pète un peu trop fort, il réveille les morts du cimetière qui viennent réclamer à corps et à cris qu'on leur offre le thé. Qui dit mieux ?

A voir : l'excellent site décalé de Jade comix
Une courte anlyse de "Petit vampire va à l'école" sur Des Bulles Bizarres

 

 

Galerie Céfalus Deuxième client, " Céfalus " de Ludovic Debeurme (édition Cornélius), dont les premières planches ont été pré publiées un temps dans le magazine les Inrockuptibles, et qui retrace la quête initiatique et surréaliste d'un être à deux têtes amoureux d'une vierge énucléée, avec un graphisme qui évoque parfois Topor et Moebius, et des atmosphères de fête foraine fantastique et de feuilletons du début du XXème . Les visages et les attitudes sont formidablement expressifs, la construction est brillante, et le tout touche, centre cible. Un autre livre de Ludovic Debeurne vient de sortir, autobiographique celui-ci, " Ludologie ", tout aussi réjouissant quant au trait et un poil plus convenu sur le fonds (sur le mode Zob bite couille, assez prisé en BD)
Galerie Quelqu'un va venir Enfin, (oui parce que sinon le jour va se lever et on n'aura pas dormi), aussi poétique que Céfalus, mais moins débridé, l'adaptation, sans doute un petit tirage aux éditions Six Pieds sous terre, d'une pièce du norvégien Jon Fosse, auteur de théâtre contemporain, par Pierre Duba : " Quelqu'un va venir ", avec une vraie étrangeté, des aquarelles magnifiques en parfaite adéquation avec le texte, répétitif et obsédant, qui aurait pu s'appeler la compagnie des spectres, mais déjà pris.

Il ne fait pas de BD, lui c'est un nouvel auteur de fiction, un gars très avenant, que j'avais rencontré aux Nuits de la Correspondance de Manosque, Jérome Lambert, et qui sort incessamment sous peu, il me l'a envoyé, merci Jérôme, " Tous les garçons et les filles ", son premier livre, chez l'École des loisirs, Collection Medium, à priori pour adolescents, mais si vous êtes à lire ma prose, vous n'êtes pas tout à fait des adultes. Un garçon découvre qu'il en aime un autre voilà le topo, et c'est un lent mouvement de révélation, avec des glissements tout juste perceptibles, de l'incrédulité à l'acceptation, un bel ouvrage, qui donne envie de fouiller dans la littérature pour peaux acnéiques. Pour la petite histoire, Jérôme Lambert va publier un roman aux éditions de l'Olivier qui va s'intituler " La mémoire neuve ". C'est marrant, j'avais vu ce titre repris sur une couverture de TGV Magazine il y a quelques mois, pour illustrer un article sur Jane Birkin. Laquelle aujourd'hui me propose de lui écrire quelque chose. Et Claire Denis qui veut me faire jouer. Et le film de Marc Recha sélectionné pour un certain regard à Cannes (voir une critique sur le site du Monde). Eh oh, n'en jetez plus. Vous me voudriez moins de bien, si vous m'aviez vu deux soirs plus tôt à Liège, Belgique. Invité par mon camarade et allié Sacha Toorop à une soirée de soutien pour une belle et antique salle de spectacle liégeoise en difficulté, le cirque des variétés, où se produisit il y a quelques hivers déjà Buffalo Bill lui-même, durant sa tournée européenne (il faisait ça à la fin de sa vie, BB, il mettait en scène ses exploits). Je suis passé jouer quelques reprises, juste après la performances des travelos liégeois mythiques de Mama Roma, et c'était bien minable, les gens s'en foutaient, caquetaient ferme, j'avais déjà trop picolé, j'espère qu'aucune personne même bien intentionnée n'a enregistré ça, encore des horreurs sur le net, après je ne sais plut trop, je me revois un moment debout sur le comptoir du bar et puis derrière, à servir des bières aux gens, avec un barman marrant avec des bacantes en guidon de vélo, sans doute un rescapé du Buffalo Bill Show, et un autre l'œil noir, nettement moins bien disposé à mon égard.

Dans l'après-midi, la même journée, jour de liesse, muguets et flonflons, j'ai vu un bon concert sur une petite place de Liège, un big band d'handicapés mentaux. Le premier morceau sonnait étonnamment comme du Ethiopiques N°4 la suite était plus classique mais peu importe, ce qui faisait le concert, c'était leur énergie et le sourire indéboulonnable de trois d'entre eux qui venaient à tour de rôle se pointer à l'avant scène pour marquer le tempo sur un woodblock, danser du ventre maracas en main, ou toaster en esperanto, hilares et déchaînés. Liège est une ville incroyable, avec une énergie bien particulière, qui peut soit vous tirer vers le bas (c'est une ville pas très riche, sur endettée, où on n'aime pas trop ceux qui sortent du rang, s'extraient de la galère), soit vous renvoyer une sensation très forte de chaleur humaine. Je n'y étais pas retourné depuis les répétitions pour le deuxième disque de Françoiz, et je n'attendrais pas 20 à 30 000 jours pour y traîner mes guêtres. God Bless You, Liège, God Bless You, Vous, Until le mois prochain.

 

 

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