Evidemment, profusion de disques en cette rentrée, en ce beau mois de septembre, tant aimé depuis que j'ai refermé derrière moi la porte de l'école, de toutes les écoles. |
Entrons une seconde maintenant dans le Saint des Saints, prosternons nous un instant : Sufjan Stevens a, avec son « Come on, feel the Illinoise », réussi à surpasser son « Michigan » d'anthologie. Plus haut, plus fort, feux d'artifices à volonté, le tout délivré avec une simplicité confondante, et pour ne pas qu'ils s'annulent entre eux, nous allons ranger la caisse à superlatifs. J'ai vu une photo de lui où il faisait son malin pince sans rire , avec son tee-shirt Illinois, entouré de ses sufjanettes, vêtues comme lui, dents blanches en avant, ça m'a agacé, cette coquetterie à vouloir paraître cool ; quand on écrit de tels morceaux, on est le roi du pétrôle, on ne rentre pas dans la cour du « rock des copains », véritable plaie du monde sclérosé de l'indie pop, où rien n'importe tant que d'avoir l'air de ne pas se la jouer, et du coup on se retrouve à se la jouer en feignant de ne pas le faire. Discours de vieux corbeau psycho rigide, je sais, mais que je m'en voudrais de ne pas tenir. Cela étant, très haute couture quand même. |
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Une fois n'est pas coutume, je vais vous causer de reggae ; j'en écoutais un peu avant (Desmond Dekker, Augustus Pablo, The Congos…), je n'en écoute plus guère, mais la récente compilation Studio One Lovers, sur l'excellent label londonien Soul jazz Records, spécialiste de l'exhumation, me donne envie d'y revenir. Cette compilation rassemble des petites perles mélodiques de reggae sentimental, 2''3O chacune montre en main, des chansons de crooners jamaïcains mâtinées de soul (à l'exemple d'Alton Ellis, dont j'avais entendu jadis une excellente reprise du « Whiter shade of pale », le standard de Procol Harum), principalement enregistrées à la fin des années soixante, leur son chaud, régulièrement saturé, contribuant grandement à leur pouvoir de séduction. |
Retour à la pop, avec la déception de rentrée : le nouveau Laura Veirs, « Year of meteors », contre lequel je bute. J'y sens, mal assumée, la tentative d'aller vers les radios, sur la pointe des pieds (ces petits « na na na » vilains sur « Galaxies » seraient censés ouvrir la porte des ondes ?). La musique s'est un peu durcie, mais a paradoxalement perdu de son mordant, et celui qui dit Suzanne Vega a gagné. Rien de honteux, juste le sentiment d'un pas de côté, mais peut être suis trop inconstant dans mes engouements, c'est possible. |
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A ce propos, savez-vous pourquoi les labels indépendants, pourtant censés être moins fortunés et dispendieux, sortent souvent de bien plus beaux objets discographiques que les majors, censés avoir leurs caisses bien nourries ? Tout simplement parce que ces dernières ont souvent des chartes graphiques et de fabrication extrêmement strictes, du type boîtier plastique et 8 pages de livret, en dehors desquelles le surcoût de fabrication est essentiellement pris en charge par les artistes, qui voient ainsi fondre leurs maigres royautés (en pourcentage, 8 à 12% du prix de vente au magasin) comme neige au soleil. Fin de la parenthèse qui a bien dû intéresser deux personnes.
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A noter, au rayon bande dessinée, où ça se bouscule bien sûr aussi méchamment au portillon en cette rentrée, deux belles livraisons chez de gros éditeurs. Tout d'abord, « Le roi cassé » de Dumontheuil (Casterman), abracadabrantesque histoire du malheureux dernier mort de 14-18, auquel la Mort donne un sursis et transforme en vivant héros national, en reprenant le cours du temps et en reprogrammant publiquement son décès comme signal de la fin des hostilités (me suivez-vous ? j'en doute…), transformant ce qui lui reste de vie en cauchemar ; fable surréaliste riche en rebondissements, servie par un graphisme qui peut faire penser çà et là à Forton, le créateur des Pieds Nickelés, en moins naïf . Deuxièmement, le « Retour au collège » de l'inénarrable Riad Satouff (Hachette), authentique projet presque anthropologique, où l'auteur, traumatisé par ses années au collège en ZEP, décide néanmoins de revenir sur les traces de son adolescence en infiltrant une classe de 3 ème , mais dans un établissement de gosses de riches ; d'où il ressortira que les comportements des jeunes ne diffèrent guère d'un milieu social à un autre. C'est à se tordre, d'autant que le don d'observation très développé de Satouff ne le fait jamais verser dans le cynisme; au contraire, on sent un attachement assez fort à cette bande de petits merdeux et leurs problèmes de zigounipiloupilage (pour paraphraser Desproges), que l'auteur compare volontiers aux siens au même âge, ces jeunots qui ne se ménagent pas entre eux, mais ont bien entendu des failles touchantes, qu'il pointe avec tact. |
Pour clore ce petit panorama, quelques nouvelles de mon auguste personne ; j'enregistre présentement un nouveau disque, en compagnie de Dominique Brusson, déjà co-responsable de « Remué », et de mes derniers camarades de tournée, plus Sacha Toorop et Olivier Mellano : en « famille » donc, sur le mode « resserrons les rangs ». Le disque s'intitulera vraisemblablement « L'horizon », titre du morceau d'ouverture, comportera 10 à 11 titres et devrait, si tout va bien, sortir l'hiver prochain. Et, désolé de couper court à une rumeur aussi inattendue que réjouissante, mais pas de trace de duo avec Jane et Angunn à … l'horizon ha ha ha. |
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Bonne nuit, les amis.