Avant de repartir çà et là, des embryons de chroniques à propos de ci et ça : J’avais une idée de lui assez figée, trop douce amère pour être honnête, depuis le temps de ses débuts, onze ans plus tôt. Bref, depuis « Ondulé », ce que faisait Mathieu Boogaerts me laissait de glace. On m’avait dit pourtant, de part et d’autre, tu devrais jeter une oreille, ça a bougé, je faisais la sourde oreille, jusqu’à entendre par hasard Keyornew, et de me laisser faire par « Michel », dernier disque en date (2005), passé un peu à la trappe, j’ai l’impression. Et là, revirement à 180°, j’aime vraiment beaucoup : le son, feutré, l’unité de ton, le sentiment de grande maîtrise, l’air de ne pas y toucher, de sa musique, et le caractère un peu autarcique de son disque, avec la dépression qui guette derrière chaque chanson, le sentiment d’abandon assez poignant finalement qui s’en dégage. J’ai vu une vidéo de lui, et j’aime bien la gueule qu’il a aujourd’hui, on sent que ça s’est durci chez lui, dans le regard notamment, on sent qu’il a morflé, il y a un peu d’empâtement qui lui va bien dans les traits, une sévérité par en dessous qui donne du corps à sa musique. Mellano et Loïc de Psykick Lyrikah m’ont aiguillé vers son album, « Tragédie d’une trajectoire ». D’origine antillaise, ce dont elle parle très bien dans un morceau intitulé « Chez moi », Casey est une rappeuse on dira radicale, avec une voix impressionnante, et la rage, la rage, pour de vrai. « Prends ça dans ta gueule », dit elle un moment : dont acte. Depuis Fabe, pas entendu mieux en hip hop local. Fabe, qui, j’ai appris ça, a tout lâché il y a quelques années, d’où son silence radio, et qui vit désormais au pays d’Arcade Fire (super deuxième disque, hein, tiens, en passant, entre Echo and The Bunnymen période « Ocean Rain », avec « Black mirror » en suite possible de « The killing moon », et Springsteen, période « Darkness on the edge of town » : du Springsteen new wave, en somme). Un roman, à tomber : « Au pays des hommes », de Hisham Matar (Denoël), une histoire qui se passe en Lybie fin des années 70 : Khadafi est au pouvoir depuis peu et écrase toute tentative de
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rébellion. Un enfant de 9 ans, dont le père est opposant au régime, vit avec sa mère dans l’angoisse de l’arrestation de son père, pour des raisons qui bien évidemment lui échapptentative ent. Le livre démonte les mécanismes de la répression avec une précision incroyable, dans une atmosphère de quasi huit clos, et des comportements qu’elle induit entre gens d’une même rue, comment elle pervertit jusqu’aux réactions des enfants, impitoyablement manipulés par les sbires de la dictature. C’est aussi un magnifique portrait sur la mère, qui s’achève sur des pages renversantes. Rien à voir, mais dans le genre huit clos-clos, quand même : c’est l’histoire d’un type, il est avec sa copine, ils sont invités à un dîner chez des amis, mais lui, ça le gonfle, alors il fait tout pour la convaincre de rester à la maison peinards à regarder la télé en mangeant des pizzas. Et alors ? Et alors rien, pourquoi ? Ah, si : vive la chanson française. A ce propos, d’après le talentueux écrivain François Bégaudeau, à part Michel Delpech, il ne faut pas écouter de la chanson française, parce que ça contribue à la mélancolie ambiante (glané dans Tecknicart, ma revue préférée). Ah, c’est vrai que manger des pizzas en regardant la télé, ça peut effectivement filer un coup de calcaire. Je ne sais pas si le talentueux dessinateur Luz aime les pizzas, mais en tout cas, c’est sûr, il n’aime pas la chanson française, il en a même fait un livre (« J’aime pas la chanson française », on ne saurait être plus clair); je l’ai bien entendu ouvert avec une certaine appréhension. Et, finalement, soulagement ; il y a dix ans, il m’avait représenté dans les Inrockuptibles en train de dégueuler au dessus d’une cuvette de chiottes; là, il m’a fait une bonne tête, plutôt sympathique, comme quoi il y a du progrès dans nos relations. Vivement la prochaine caricature. Dormez bien. Dominique
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