En octobre 2007 La Maison Tellier sortait son Second Souffle, deuxième opus de leur discographie. Dans le tracklisting on retrouve Les Terres Brunes, chanson qu'ils avaient accepté de reprendre sur nos avances dans le cadre de la rubrique Invité de CCV. Quelques mois après la sortie de l'album, c'est l'occasion de faire le point.
1- Le second album de La Maison Tellier s'est étoffé musicalement et le son tellier a mûri. Qu'est-ce qui a changé depuis le premier album ? L'usage des cuivres est notamment plus marqué et une voie féminine est apparue.
Et bien un peu tout ça en fait… On a eu envie de « pousser le bouchon » un petit peu plus loin, de faire aboutir certaines idées qu’on a pas pu mener à bout sur le premier album. Beaucoup des chansons du premier album avaient été enregistrées avant qu’on signe sur notre label. Comme ils ont un studio d’enregistrement à disposition, dès qu’on a signé on a pu passer beaucoup plus de temps à maquetter, à enregistrer différentes versions pour une même chanson, à fignoler les arrangements… Voilà ce qui explique sans doute le son plus étoffé. Ca et notre meilleure expérience de l’enregistrement. Ca devient plus facile maintenant de voir la direction que peut prendre une chanson, alors qu’avant, on partait un peu au hasard, en espérant retomber sur nos pieds. Du coup certains titres ont été un peu arrangés à la va vite.
Pour ce qui est de la voix féminine, on en avait envie depuis un moment, d’autant que plusieurs chansons sont construites sous la forme d’un « dialogue » entre un homme et une femme (Le Grand Départ notamment). La rencontre avec la chanteuse Lippie à l’occasion d’un concert sur Paris nous a permis d’essayer sur quelques titres… J’aime beaucoup le résultat, et puis il faut bien des filles dans La Maison Tellier non ?
2- L'expression "Le second souffle" répond souvent à des fuites dans votre album. Est-ce un moyen de dépasser le cap de la réussite du 1er album ?
Heuuuu… Joker ?...
Je ne sais pas si on peut parler de réussite en ce qui concerne notre premier album, non qu’on en soit pas fiers, bien au contraire, mais il faut relativiser tout de même… En fait, je crois que ce qui a motivé l’utilisation de l’expression « le second souffle », c’est… le fait que ce soit une expression justement ! Un peu comme l’emploi de « Il n’est point de sot métier » dans le premier album. On aime bien les expressions imagées et qui « sonnent bien en bouche », sans forcément y mettre plus de sens que ça. Le « second souffle » pour nous, c’était donc avant tout une expression qui « sonne bien Tellier », et puis ça tombe bien pour un deuxième album… Le troisième, qui sait, s’appellera peut être « Jamais deux sans trois », ou « La Maison Tellier III : la rédemption »…
3- L'alternance du français et de l'anglais est toujours de mise. Le français est-il toujours aussi dur à faire sonner ?
Je pense qu’on n’aborde pas une chanson en anglais de la même façon qu’une chanson en français. La plupart du temps, quand on amène une chanson en anglais, en gros, tout est déjà « prêt » (en tout cas en ce qui me concerne). On a déjà la trame générale de la chanson, après on n’a plus qu’à organiser les interventions de chacun. On a assez souvent une idée relativement précise du résultat dès le départ.
Alors que pour une chanson en français, bien souvent, le texte et la mélodie préexiste (parfois on a juste un semblant de l’un et de l’autre…), et puis pour le reste… tout est à faire !
Ca peut parfois prendre beaucoup de temps, et passer par plusieurs versions qui n’ont rien à voir les unes avec les autres (il existe par exemple au moins 3 versions radicalement différentes de « Grève Générale », une des premières chansons qu’on ait jouées ensemble avec Helmut, il y a plus de 3 ans…).
Dans ce sens, oui, c’est toujours aussi difficile de faire sonner le français. Ce serait certainement plus facile si on faisait vraiment de la « chanson » ou du « rock » français…
Mais en même temps, pour un titre comme « Cul-de-sac », on a d’abord construit entièrement l’accompagnement avant de penser au texte. La première version a d’ailleurs longtemps été anglaise, et même en « yaourt », c’est dire.
Et puis un jour, Helmut est arrivé avec un texte complet en français, ça a tout de suite bien collé, alors on ne s’est pas posé plus de questions que ça…
4- À travers votre musique, les ponts entre Normandie et Amériques sont évidents. Cette culture musicale renvoie-t-elle à des choses récentes (Will Oldham, Tarnation...) ou plus anciennes (The Band, Ween, Neil Young, voire Pete Seeger...) ?
Tout ça en même temps.
C’est marrant, je viens de me plonger dans l’œuvre de Pete Seeger justement. Et je révère The Band et Neil Young. Pour moi, c’est un peu les artistes américains ultimes (si tant est que ça veuille dire quelque chose…) ; Helmut est un inconditionnel de Ween et de Will Oldham…
On écoute évidemment Cake, Calexico, Palace, Dylan, Crosby, Stills and Nash, 16 Horsepower, Herman Düne, Vetiver, Okkervil River, Ennio Morriconne bien sûr… Un gros mélange de nouveautés et d’anciennetés…
Pour ma part, en ce moment, je suis un peu dans un trip « passéiste », j’écoute plein de vieux folk et de country-bluegrass des années 50-60, Pete Seeger, Woodie Guthrie, Peter, Paul and Mary, The Kentucky Colonels, John Fahey,… ce genre de chose.
Quand tu entends ce qu’étaient capables de faire ces gens en une prise, avec si peu de moyens, ça laisse rêveur… Et puis quel pouvoir d’évocation !!
N’oublions pas non plus, même si ce n’est pas forcément évident à l’écoute de notre musique, le folk anglais (Bert Jansch, The Pentangle, Nick Drake, …), pour moi une énorme influence, ne serait-ce qu’en tant que guitariste.
Et puis les incontournables Beatles… Enfin là encore, je parle pour moi…
6- Vous avez passé l’automne 2007 sur la route, quels souvenirs en garderez-vous ?
Une excellent expérience, aussi bien humaine que « professionnelle ». C’était notre première « vraie » tournée, avec des dates aux quatre coins du pays.
Alors forcément, on a beaucoup appris, on a pris plus d’assurance, on s’est rôdé quoi… Ca a été l’occasion aussi de faire plein de rencontres, parfois très enrichissantes (je pense notamment à la semaine qu’on a passée à La Rochelle pour les Chantiers des Francos). Et puis on a pu voir que des gens nous connaissaient à l’autre bout de la France, alors que jusqu’à présent, on avait encore un peu l’impression d’être le groupe qui joue pour ses potes…
On a hâte de repartir, il nous reste encore plein de salles à voir !
7- Outre la sortie de Second Souffle, quelle est votre actualité à venir ?
Pour l’instant, un peu de repos pour les fêtes, et puis on réattaque les concerts en Mars, avec notamment une date supplémentaire à Paris le 28 mars, à la Scène Bastille, pour ceux qui n’ont pas pu venir nous voir au Zèbre de Belleville...
Avant ça, on doit faire des interventions auprès de lycéens en janvier, en principe on doit aussi tourner le clip de « Second Souffle ».
Ah puis on joue avec Syd Matters le 25 janvier, à Sannois (interview réalisée courant janvier).
A plus long terme, on compte bien écumer quelques festivals cet été, le plus possible serait le mieux bien sûr !!
8- Le pont entre La Maison Tellier et Dominique A s’est construit comment ? Apparemment vous repreniez son répertoire bien avant la demande de reprise pour notre site.
Oui enfin, c’est beaucoup dire… Au tout début de La Maison Tellier, on jouait de temps en temps « Je t’ai toujours aimé »… Et moi j’aimais bien chanter « Pour la peau » dans ma chambre… A part ça, non, pas de reprises de Dominique… Ca n’empêche qu’on écoutait (et qu’on écoute toujours !) beaucoup ses disques, moi je l’avais vu une ou deux fois sur scène… Je pense qu’on a surtout un faisceau de références communes, ce qui facilite les « ponts » effectivement…
8- Avec un peu de recul, quel regard portez-vous sur la reprise des Terres Brunes ? La reprenez-vous en concert ?
Elle me laisse un très bon souvenir d’enregistrement. On l’a fait en une journée, un samedi je crois. Tout s’est super bien passé, alors qu’on appréhendait un peu, il y avait 3 parties distinctes à enregistrer, avec des tempi et des instruments différents… Et puis la partition de trompette n’a pas été une mince affaire à mettre en place…
A part ça, je me demande ce qu’on pu en penser les fans de Dominique A, on s’est quand même bien éloigné de l’esprit initial… Pour moi, c’était surtout l’occasion de pousser le plus loin possible nos aspirations « morriconnisantes », ce qu’on aurait pas forcément fait sur une de nos chansons, et de proposer une relecture radicalement différente de l’originale, comme on l’a fait avec « Killing in the Name »…
Et pour ce qui est de la jouer en concert, pour l’instant, ce n’est pas possible… Il faudrait au moins un deuxième trompettiste, un autre guitariste ou banjoïste si on veut la jouer sous cette forme là… Après, pourquoi pas la jouer sous une autre forme et pourquoi pas avec Dominique si l’occasion se présente, mais là, il faudra qu’on bosse !!
9- Pour vous, une bonne reprise c’est faire preuve de mesure dans la générosité engagée sur le morceau, afin de ne pas trop en faire, un contre-pied au morceau original, etc ?
Ca dépend.
Je crois surtout que tant qu’on aime et qu’on respecte l’œuvre de l’artiste qu’on reprend, on ne peut pas se planter. Une reprise surprenante, en contre-pied, ça surprend, effectivement, mais ça ne fait pas forcément une bonne reprise pour autant. Là je me fais l’avocat du diable, puisque nous reprenons à notre sauce Britney Spears (oui, nous aimons « Toxic », c’est une super chanson !!!), RATM, Aznavour ou Dominique A justement. Mais nous reprenons aussi parfois Neil Young sur scène, dans une forme très proche de l’originale, et on s’éclate tout autant. On n’a pas du tout de démarche du genre « tiens et si on reprenait cette chansons là en country ou en folk, ça va marcher !! ». Il n’y a pas vraiment de calcul, je ne sais pas si nos reprises sont « bonnes », par contre on prend beaucoup de plaisir à les concevoir et les jouer, qu’elles soient fidèles ou surprenantes. C’est ça le plus important à nos yeux.
Cela dit, pour parler de références plus « officielles », Calexico qui reprend Love à la note près, je ne trouve pas ça très intéressant (même si j’adore les deux groupes…) ; Johnny Cash qui chante U2, Depeche Mode ou Nick Cave en s’appropriant véritablement les chansons et en les emmenant loin loin loin, c’est à tomber par terre ; Bowie qui chante « I’ve been waiting for you » dans une version finalement assez proche de celle de Neil Young, ça marche du tonnerre ; Et Travis qui chante « Hit me Baby one more Time » de Britney Spears dans une version rock acoustique décalée, je trouve l’idée marrante (oui je vais pas non plus nous tirer une balle dans le pied…) mais le résultat me semble plutôt anodin, voire assez nul et faiblard.
Comme quoi, pour répondre à ta question à la normande : « ptet ben qu’oui, ptet ben qu’non, tout dépend du contexte ! »
10- Sur CCV, Dominique A a l’habitude de donner quelques pistes pour nos oreilles. Alors avez-vous des choses à nous conseiller ?
Ohla.
« The Letting Go », de Bonnie Prince Billy est à mes yeux un des meilleurs disques de folk récents.
J’aime beaucoup aussi « To Find Me Gone », de Vetiver (un groupe californien dans lequel joue Devendra Banhart).
Allez aussi découvrir Okkervil River, un groupe de folk texan aux ambiances et textes vraiment travaillés.
Et puis (j’en remets une couche…), toutes les « vieilleries » folk américaines ou anglaises des années 50-60, y’a que du bon !!
Dans un registre plus rock (vraiment plus rock), on vous conseille l’intégrale de The Elektrocution, avec qui on a enregistré la chanson « Thank God I’m a Country Girl », qu’on peut d’ailleurs écouter sur notre Myspace.
Heu voilà, le reste, vous le connaissez certainement, alors c’est pas forcément la peine d’en parler et d’étaler notre science toute relative…
La Maison Tellier en tournée :
Le 1 mars, au Ninkasi Kao, Lyon (69), avec Moriarty.
Le 5 mars, au Chabada, Angers (49), avec Brisa Roché.
Le 21 mars, au Fou du Roi, FRANCE INTER.
Le 26 mars, à l'Olympic, Nantes (44), avec Moriarty.
Le 27 mars, au Camji, Niort (79), avec Moriarty.
Le 28 mars, à La Scène Bastille, Paris (75), à 20h00.
Le 29 mars, au Le Nouveau Théâtre, Besançon (25).
Le 3 avril, à La Laiterie, Strasbourg (67).
Le 4 avril, au Festival Chorus des Hauts de Seine, Neuilly (92).
Le 15 avril, au 22, Festival du Printemps de Bourges (18).
Le 8 mai, au Festival Paroles et Musique, Saint Etienne (42).
Du 19 au 24 mai, Chantiers Francos deuxième session, à La Rochelle (17).
www.lamaisontellier.com
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Photos Comment Certains Vivent